jeudi 9 septembre 2010

Les années - Annie Ernaux


Dans Les années, Annie Ernaux continue son entreprise de création autour de sa propre vie (je ne veux pas parler ici d'autofiction, car elle ne prétend jamais à la fiction), et entreprend de balayer l’ensemble des années vécues. De l’après-guerre à nos jours, en partant de photos éparses, elle évoque son enfance, son adolescence, les différents tournants de l’âge adulte – et les innombrables images, odeurs et impressions qui y sont liées.
J’avais apprécié Une femme (évoquant sa mère) et La place (son père) : ces courtes évocations m'avaient certainement d'autant plus marquées que, étant alors adolescente, j'avais presque « découvert » le sain et nécessaire recul sur ses parents que l'on pouvait avoir avec l'âge. Le projet bien plus ample de ce récit m'intéressait et m'enthousiasmait fortement. Ma lecture a été malheureusement très décevante : problèmes avec l’œuvre en elle-même ? ou déficit de compréhension dû à l’écart générationnel ?

Pour commencer, ma lecture a été perturbé par l’emploi du pronom indéfini « on », destiné probablement à inclure le lecteur dans le récit, à dépersonnaliser cette plongée dans l'intime. Cette construction ne fonctionne pas à mon sens et devient même exaspérante car bien trop pesante et artificielle. Certes, il s’agit de raconter « ces » années et cette génération née pendant la guerre qui a raté mai 68, mais cela aurait été bien plus intéressant si Annie Ernaux avait assumé pleinement la dimension biographique sans chercher cette pseudo mise à distance et/ou généralisation. Et si tel n'était pas le but, je me contenterais de dire que je n'ai pas adhéré à ce choix stylistique !

L’aspect « petite et grande histoire » est clairement ce qui m’a incité à continuer ma lecture (car je dois avouer avoir souvent été tentée d’abandonner). En effet, le texte étant au final assez court – au vu du projet de retracer soixante ans de vie et d’époques –, il donne lieu à de longues énumérations de souvenirs, tantôt savoureux, attendrissants ou édifiants : le chocolat Cardon, l'apparition du Frigidaire, les collants à la place des bas, les premiers baisers, les événements historiques qui ne sont que décor…
Ces passages sont passionnants, surtout quand on est née au début des années 1980 comme moi ! Mais la description devient régulièrement liste interminable : parfois hypnotique, plus souvent catalogue.

Au final, le rythme m’a profondément dérangée, au mieux lassée, et j’ai fini ce livre en diagonale, à toute vitesse.
Je suis donc incapable de le conseiller mais, comme je l’évoquais au début de ce billet, peut-être est-ce une question d’âge ? Une lassitude face à cette accumulation de souvenirs et malheureusement de regrets ? Les nombreuses critiques élogieuses me font penser qu’il doit y avoir de cela...


Les années, Annie Ernaux (Gallimard, 256 pages, 2008 / Folio, 256 pages, 2010)

2 commentaires:

  1. Et je te trouve indulgente... Son style m'avait exaspérée dans La place, le sujet était pourtant passionnant. Je ne me retaperai plus jamais du Annie Ernaux !

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  2. Il faudrait que je le relise par curiosité : j'étais peut-être plus indulgente à 16 ans...

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