mardi 7 septembre 2010

Les liens du sang - Ceridwen Dovey


Ce premier roman avait été très remarqué lors de sa parution mais, chaque fois que je prenais le livre en librairie, la quatrième de couverture me rebutait : peur d’une « banale » histoire de dictateur et peut-être aussi d’un texte trop austère… Sa parution en poche m’a redonné l’occasion de le lire et je ne le regrette pas !

Nous sommes dans une capitale jamais nommée : archétype d’une ville étouffante et étouffée, proche de la mer et entourée d’une nature luxuriante, qui pourrait se trouver dans n’importe quelle dictature du XXe siècle. Après un coup d’État militaire, trois membres de l’entourage domestique de l'ex-Président – le portraitiste, le coiffeur et le chef cuisinier – sont retenus dans sa résidence d’été par le leader révolutionnaire, le « Commandant », et ses troupes.
Tour à tour, chacun de ces personnages prend la parole pour confier son histoire, son passé et cet étrange enfermement qui évolue au fil des jours. Progressivement, ces prisonniers bien traités reprennent en effet leurs anciennes fonction auprès du Commandant ; et on assiste ainsi à l’appropriation des anciens attributs de la Présidence par le nouveau pouvoir.
Dans une seconde partie, c’est au tour de femmes qui leur sont proches – épouse, ancienne belle-sœur et fille – de se raconter. Et peu à peu, se dessine un portrait en creux du dictateur déchu et du nouveau : car, de manière terriblement logique, une nouvelle tyrannie se substitue à l’ancienne.

La construction du roman lui donne une épaisseur supplémentaire : la multiplication des points de vue, l’évolution des discours et des actes… Une construction intéressante donc, mais également un peu artificielle : les rebondissements (des « liens du sang » sont dévoilés et d’autres mis en avant, des alliances se renversent…) sont plus qu’attendus – bien que chargés de sens. Mais il ne s’agit que d’un léger bémol.
Très rapidement, ce pays-symbole s’est imposé à moi comme une dictature sud-américaine : impression renforcée par les personnages, qui évoquent par maints aspects ceux d’Isabel Allende ou de Gabriel Garcia Marquez. Leurs confessions dévoilent avec finesse le plus vil chez chacun : la lâcheté, la cruauté, l’opportunisme… et le goût du pouvoir bien entendu. Le lecteur désabusé s’attend cyniquement au pire et se trouve même surpris au moindre témoignage de courage ou d’intégrité.

Un roman très fort, et surprenant pour une première œuvre d’une si jeune femme (Ceridwen Dovey est née en 1980). Et une belle écriture, très fluide et pourtant très précise, qui fait oublier les petites scories et emporte le lecteur : continuer à lire en marchant est toujours un bon indicateur en ce qui me concerne !


Les liens du sang, Ceridwen Dovey (Héloïse d’Ormesson, 224 pages, 2008 / 10/18,
224 pages, 2010)
Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Jean Guiloineau


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