vendredi 19 novembre 2010

Enquête sur la disparition d’Emilie Brunet - Antoine Bello


Achille Dunot est un inconditionnel absolu d’Agatha Christie, et surtout de son fameux (et horripilant selon moi) Hercule Poirot, dont il admire les méthodes et le formidable esprit de déduction. Policier lui-même, il a été récemment mis à la retraite car il souffre d’amnésie antérograde à la suite d’un accident fâcheux – et significatif, puisque une massive anthologie de la littérature policière lui est tombée dessus. Depuis lors, sa mémoire ne forme plus de nouveaux souvenirs : sa journée s’« efface » pendant son sommeil et, chaque matin, sa femme doit lui rappeler son état.

Malgré tout, face à un cas particulièrement délicat, le chef de la police lui demande de participer à l’enquête sur la disparition d’Emilie Brunet et de son professeur de yoga (et amant). Cette jeune héritière de la région est mariée avec un éminent neurologue, Claude Brunet, à l’égo aussi imposant que le nombre de maîtresse.
L’intrigue a tout du classique du genre : la femme fortunée, le mari volage, la gouvernante aigrie, l’amant, etc. Claude Brunet est dès le départ le premier suspect mais les interrogatoires tournent vite en rond. En effet, lorsqu’il est allé déclarer la disparition de son épouse au commissariat, l’agent en service a étrangement perdu toute mesure et a tenté de lui extorquer des aveux par la force. Depuis le choc, le célèbre spécialiste de la mémoire souffrirait d’amnésie et ne se souviendrait plus du jour de la disparition de son épouse… C’est bien commode, et le brillantissime scientifique s’en délecte en laissant entendre tout et son contraire. Achille Dunot serait-il face au crime parfait ? Même lui semble peu à peu séduit par le charisme et l’intelligence hors du commun de son suspect.

Pour tenter de résoudre l’affaire, Achille décide de tenir un journal – qui constitue le livre que nous tenons entre les mains – où, avant de se coucher, il consigne consciencieusement les événements de la journée. Journée qui commence réellement de plus en plus tard puisqu’il doit commencer par prendre connaissance de son carnet dans son intégralité ! Rapidement, il essaie de biffer les phrases sans grand intérêt pour l’enquête, espérant ainsi diminuer un peu son temps de lecture quotidien. On se trouve alors face à quelques lignes, peu nombreuses, raturées : l’artifice n’apporte pas grand-chose à mon sens et l'idée de livre en train de se construire n'est pas si neuve.

Le récit de l’enquête est étayé par les références de notre ex-policier à « Agatha », et par ses discussions avec Brunet à qui il veut faire saisir tout le génie de cette dernière – et surtout celui de son détective fétiche. Comparaisons avec des personnages, parallèle entre la courte disparition de la romancière et celle d’Emilie Brunet, réflexions sur certains de ses romans… tout cela a fini par me lasser, et pourtant j’ai beaucoup de tendresse et de curiosité pour Agatha Christie, dont j’ai essayé de lire toute l’œuvre vers 12-13 ans (j'ai dû finir par me lasser avant de finir).

Antoine Bello a une formidable matière mais il bascule dans un exercice de style un peu décevant. La lecture est rapide, fluide, stimulante mais un tel hommage mériterait une véritable chute.
Un moment agréable donc, mais au final, j’ai surtout eu envie de me replonger dans d’autres livres : bien entendu des Agatha Christie, mais aussi l’ébouriffant Qui a tué Roger Ackroyd ? de Pierre Bayard et un précédent roman d’Antoine Bello, formidable, Les Falsificateurs


Enquête sur la disparition d’Emilie Brunet, Antoine Bello (Gallimard, 254 pages, 2010)

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