lundi 7 février 2011

Dolce vita 1959-1979 - Simonetta Greggio


1960, La Dolce Vita de Federico Fellini est projeté en avant-première à Rome : ceux qui ne partent pas avant la fin huent copieusement. Et pourtant, pour ce que le film évoque, pour son parfum de scandale, le public se rue dans les salles et la Palme d’or vient le récompenser. Ce surprenant succès est à l’image du besoin de libertés qui va animer les années soixante et soixante-dix.

2010, le vieux prince Emanuele Valfonda convoque dans sa villa de l’île d’Ischia son confesseur, Saverio, fils d’employés de la famille devenu prêtre après une jeunesse agitée. « Malo » ne cherche pas l’absolution : il veut faire le point, dire ce qui doit être dit et faire une révélation à Saverio. Ce dernier ne goûte pas cette longue évocation de souvenirs et entretient une animosité tenace – et étrange – à l’encontre du prince.

Le riche aristocrate raconte sa vie débridée : les nuits mondaines, les rencontres inouïes, les femmes, les drogues… et au final, on sent poindre la tristesse de n’avoir pas su voir ce qui en valait vraiment la peine.
Plus que son parcours, c’est celui de l’Italie qu’il tente de nous décrire : son histoire culturelle bien entendu – en commençant par le néoréalisme et ses égéries –, mais surtout l’histoire politique, celle de l’après-guerre et des années de plombs. Se croisent alors les Brigades rouges, la mafia, Aldo Moro, les organisations d’extrême droite comme Ordine nuovo, Giulio Andreotti, la troublante loge franc-maçonnique P2, Pier Paolo Pasolini, le Vatican, Silvio Berlusconi… pour ne citer que les plus connus.
C’est certainement un aspect difficile pour le lecteur qui ne maîtrise pas l’Italie des cinquante dernières années : les acteurs sont mentionnés rapidement, vont et viennent dans le récit, sans explications conséquentes. C’est à mon sens le problème de Dolce vita : ni roman ni document, le mélange des genres ne sert pas le projet de Simonetta Greggio. Journaliste, elle a, avec l’aide d’une documentaliste, enquêté et rassemblé une masse d’informations pendant deux ans. L’idée étant ensuite de dégager les liens malsains, les imbrications terrifiantes (le poids de la P2 par exemple), les manipulations, et de donner les versions officieuses – tellement plus convaincantes que les officielles – de maintes affaires (Moro, l’attentat de la gare de Bologne…).
Tout cela, en alternant avec les souvenirs plus intimes du comte, ceux plus rares de Saverio, et leurs échanges en 2010…

Malheureusement, cette construction ne fonctionne pas aussi bien que prévu : les aspects romanesques sont en définitive assez attendus (on se doute bien vite du genre de révélation que veut faire don Emanuele), et les aspects documentaires insuffisamment détaillés nous laissent sur notre faim. Ils ouvrent des pistes passionnantes mais passent trop vite à la suivante. J’aurais en fait préféré un pur ouvrage de journaliste, fouillé et étayé.
Ce roman hybride n’en reste pas moins passionnant pour les nombreux éléments qu’il nous livre, pour les innombrables anecdotes, les extraits des textes de Franca Rame, etc.

Il faut admettre une limite de taille à mon jugement un peu dur : l’Italie est un sujet que j'affectionne, et cette période tout particulièrement. Il est donc fort possible que mon insatisfaction viennent de là; et que le lecteur moins concerné y voie un texte dans l’ensemble très cohérent apportant une bonne vision d’ensemble. Il est aussi possible qu’il s’y perde totalement ! J’attends des avis de lecteurs…


Dolce vita 1959-1979, Simonetta Greggio (Stock, 416 pages, 2010)

2 commentaires:

  1. Bonsoir Lily,

    Me voici comme promis en train de découvrir ton blog...
    Je souscris complètement à ton avis sur ce roman : l'auteur aborde un -ou plutôt des- sujets passionnants mais ne les exploitent pas vraiment, et c'est bien dommage.

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  2. Oui, c'était malheureusement décevant.

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