jeudi 10 mars 2011

Les brumes du passé - Leonardo Padura


J’avais déjà lu un roman de Leonarda Padura : une enquête de l’inspecteur Mario Conde plutôt plaisante mais qui ne m’a pas laissé un souvenir impérissable… Quelque chose dans le résumé du dernier en date de la série, Les brumes du passé, m’a donné envie de retenter l’expérience. Et j’ai été bien inspirée !

Après des années dans la police, Mario Conde a fini par raccrocher pour se reconvertir en bouquiniste, puis en intermédiaire entre vendeurs particuliers et bouquinistes : une recherche perpétuelle, presque une « traque », des livres qui correspond certainement mieux à son tempérament.
Sur leur demande, il se rend chez Dionisio et Amalia Ferrero pour estimer la bibliothèque de leur maison – enfin, celle des Montes de Oca que le frère et la sœur gardent dans l’éventualité bien improbable qu’un héritier refasse surface. Outre des livres inouïs, de véritables trésors, El Conde découvre la triste histoire des Ferrero, de leur mère et de « M. Alcides ».

Alors qu’il feuillette un des ouvrages, il tombe sur une vieille photo représentant Violeta de Rio, une chanteuse de boléro des années cinquante. L’image éveille en lui des sentiments étranges et, peu à peu, l’obsède pour des raisons qu’il ne parvient pas à s’expliquer – une de ses fameuses intuitions certainement ! Cinquante ans après, il part ainsi sur les traces de cette superbe femme mystérieusement disparue.
Un crime chez les Ferrero vient donner une troublante confirmation à son pressentiment. Il se met alors à enquêter sur passé et présent, dévoilant progressivement les liens entre les Ferrero, Violeta et Alcides…

Si le texte vaut pour ses qualités indéniables de polar, il est aussi passionnant pour ce qu’il nous dit de Cuba : tant celui des années cinquante – le régime odieux de Battista, le monde de la nuit, les accointances avec la mafia américaine, les débuts de la révolution – que celui d’aujourd’hui – l’effondrement des espérances, la déliquescence d’une population, les restrictions…
Sans entrer dans des considérations véritablement politiques (ce qui lui permet d’éviter les problèmes avec le régime, comme il l’explique dans un entretien), Leonarda Padura se fait néanmoins critique, chantre des désillusions et du mal-être. Il témoigne aussi d’une génération qui a dû s’adapter aux évolutions du régime, une génération souvent démunie face aux « petits jeunes » qui n’ont connu que ça.

Le style de Leonardo Padura est efficace, parfois lyrique, parfois truculent, à l’image de son héros – bien entendu accompagné de ses amis de toujours, avec qui il partage états d’âmes et repas pantagruéliques.
Quant à la nouvelle activité du Conde, outre des critiques du système policier, elle permet à Padura une formidable déclaration d’amour bibliophile : l’ex-inspecteur est un véritable passionné qui juge à leur juste valeur les trésors livresques qu’il découvre, authentiques et fascinants.

Roman policier, roman de La Havane, roman social : Les brumes du passé présentent encore maintes facettes qui en font un livre qui, comme les chansons de Violeta del Rio, vous reste en tête.


Les brumes du passé, Leonardo Padura (Métailié, 360 pages, 2006 / Points, 448 pages, 2011)
Traduit de l'espagnol (Cuba) par Elena Zayas


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