mardi 26 avril 2011

La Maison du sommeil - Jonathan Coe


Mes posts le montrent (ici et ), Jonathan Coe est un auteur que j’apprécie. J’ai donc voulu découvrir des textes antérieurs et, intriguée par ses sujets principaux (sommeil et analyse), je me suis lancée dans La Maison du sommeil.

Comme à son habitude, Coe aime jouer avec la construction de son roman et avec la temporalité. Ici, la chose est explicite dès la première page avisant que les chapitres impairs se déroulent en 1983-1984, et les pairs en juin 1996. Chaque chapitre vient éclairer le précédent et le suivant, tressant peu à peu une histoire et son sens.
En plus de dix ans, Ashdown, le lieu central, a changé : jadis résidence universitaire, la vaste demeure surplombant des falaises est devenue une clinique spécialisée dans le sommeil.

La plupart des protagonistes souffrent de problèmes en la matière ou s’intéressent fortement au sujet : Sarah, narcoleptique aux rêves terriblement réels, au point que tout se mélange ; Gregory, étudiant malsain et manipulateur ; Robert, amoureux transi tristement patient ; Veronica artiste opportuniste ; Terry, mettant à profit son insomnie pour satisfaire sa cinéphilie…

Tous vont se rencontrer un jour ou l’autre, se côtoyer, puis – souvent – se retrouver. Ce ténébreux chassé-croisé est tout autant un roman d’apprentissage qu’une critique du milieu psychiatrique et de ses dérives. Des thématiques passionnantes, que Coe traite avec son esprit habituel et un indubitable sens du récit.
Pourtant, j’ai trouvé l’intrigue assez faible et les histoires de cœur bien trop prépondérantes à mon goût. Et, là où il est censé y avoir un léger suspense, au moins une petite surprise, je le voyais venir des pages et des pages à l’avance (aurais-je déjà trop lu Jonathan Coe ?). Pour finir, une dernière réserve, les sujets principaux auraient pu, me semble-t-il, être davantage exploités, voire explicités – la critique aurait ainsi gagné en intensité et en intérêt.

La Maison du sommeil est un roman plein de finesse, bien écrit et agréable, mais qui ne m’a pas pleinement convaincue – peut-être car je me suis habituée au talent de son auteur ou encore car je n'ai pas saisi la totalité des enjeux.


La Maison du sommeil, Jonathan Coe (Gallimard, 432 pages, 1998 / Folio, 480 pages, 2000)
Traduit de l’anglais par Jean Pavans


mardi 19 avril 2011

Le Royaume des Voleurs - William Ryan


Ce livre m’a été envoyé dans le cadre d’une édition spéciale de Masse critique que proposait Babelio… Le programme était très alléchant : un nouveau « polar russe » !
Ce Royaume des Voleurs m’a évidemment fait songer au très bon Enfant 44 de Tom Rob Smith (paru en 2009 chez Belfond) : un roman policier se passant dans la Russie communiste (certes, à presque 20 ans d’écart), un narrateur membre de la police mais pas « fanatique » du parti, une couverture dans le même esprit, et un auteur anglo-saxon (anglais/irlandais).
Mais malheureusement, la comparaison ne sert pas William Ryan…

L’histoire démarre bien : 1936, début du régime stalinien, l’inspecteur Korolev enquête sur le meurtre d’une jeune femme dont le corps mutilé a été retrouvé dans une ancienne église (NB la religion est interdite désormais). La victime pourrait être américaine, des questions de sécurité nationale seraient en jeu… résultat, le NKVD, la police politique, s’en mêle et entend être tenu au courant de l’évolution des investigations.
D’autres cadavres sont découverts et, certains éléments semblant les relier au premier, l'affaire prend de l'ampleur. Les pistes se multiplient et Korolev suspecte des tractations douteuses dans les plus hautes sphères. Contraint de naviguer entre les pontes du NKVD, son propre chef en disgrâce (contraint à la fameuse autocritique), et son nouveau partenaire, il se met en contact avec les Voleurs, la pègre de Moscou, espérant découvrir les coupables…

Le Royaume des Voleurs m’attirait plus pour ses aspects documentaires que pour son intrigue policière. Mais en définitive on ne découvre que peu de choses sur le fonctionnement soviétique de l’époque – en tout cas, peu de choses qu’on ne sache déjà… Et une mise en perspective assez légère, des critiques limitées : concédons néanmoins que cela découle logiquement du point de vue adopté par William Ryan, à savoir celui de son narrateur, un citoyen lucide mais assez discipliné pour l’instant…
À l’inverse, on peut aussi considérer que le roman se déroulant assez tôt dans l’histoire du régime, il reflète avec finesse une prise de conscience, un réveil du héros. Quoi qu’il en soit, je suis restée sur ma faim.

Qui plus est, William Ryan ouvre un grand nombre de pistes et de thématiques, empile les personnages secondaires, accumule des descriptions inutiles, mais explique peu, ne « creuse » que rarement et n'exploite pas les filets lancés par son récit. Il offre ainsi une intrigue très alambiquée, mais paradoxalement assez simpliste au final. Résultat on s'y perd beaucoup pour un dénouement plutôt plat.

Bref, Le Royaume des Voleurs fut une déception, mais il est vrai que j'en attendais beaucoup.


Je remercie néanmoins vivement les éditions des Deux Terres et Babelio.


Le Royaume des Voleurs, William Ryan (Deux Terres, 368 pages, 2011)
Traduit de l'anglais par Jean Esch



samedi 16 avril 2011

Minuit dans une vie parfaite - Michael Collins


J’attendais beaucoup de ce nouveau roman de Michael Collins, à qui l’on doit notamment la formidable Vie secrète de E. Robert Pendleton. Malheureusement la déception fut à la hauteur de l’attente…

Karl, la quarantaine, tente désespérément d’écrire un troisième roman, L’Opus, une œuvre qu’il veut bien évidemment grandiose. En attendant, il vit de petites piges – entre autres pour un portail porno –, d’un travail ponctuel comme « nègre » pour le célèbre auteur de polars Penny Fennimore, et surtout du salaire de sa femme, Lori. Et de ses économies.
Mariés sur le tard, ils forment après quelques années un couple désunis, en mal de communication. Âgée de 37 ans, Lori ne parvient pas à tomber enceinte et veut pourtant désespérément être mère. Elle entraîne donc son époux dans les méandres de la procréation assistée.

Karl, complètement dépassé par ce projet, qu’il a accepté plus pour avoir la paix que par réelle envie, essaie un moment de s’inspirer de cette expérience pour écrire une « non-fiction ». Mais, contacté par Fennimore pour reprendre leur collaboration, il change son fusil d’épaule, décide d’inclure tout cela dans un roman policier, emménage dans un petit appartement glauque, puis se lance dans des interviews et observations variées pour créer la trame de ce nouveau livre.
On le suit dans ses hésitations, ses multiples espoirs d’inspiration, ses rares articles catastrophiques et sa brouille avec Lori. Car le siphonage de leurs économies, l’état de tension de la jeune femme, les pressions de sa sœur totalement hystérique ont fait éclater le couple, au moins pour un temps.

Minuit dans une vie parfaite part à proprement parler dans tous les sens et l’on se perd dans ce récit chaotique et éclaté – à l’image de la vie et de l’état de Karl, certes.
Michael Collins ouvre d’innombrables pistes qui auraient pu être intéressantes (la procréation assistée, l’activisme politique aux États-Unis, la communauté russe, le porno, les problèmes de couple, la difficulté de rester écrivain, les traumatismes de chacun, etc.) mais n’en explore aucune et offre un roman assez creux, aux personnages terriblement caricaturaux.
Quelques jolis moments d’écriture et une savante manière de dévoiler par touches des pans de l’histoire de ses personnages ont parfois ravivé mon intérêt.
Mais la lecture fut poussive, et au final sans intérêt. J’ai même eu l’impression d’un fond de tiroir ressorti pour l’occasion (impression accentuée par le fait que le roman se déroule en 1999).
Dommage…


Minuit dans une vie parfaite, Michael Collins (Christian Bourgois, 336 pages, 2011)
Traduit de l'anglais par Isabelle Chapman


mercredi 13 avril 2011

Journal d’une bipolaire - Emilie Guillon, Patrice Guillon, Sébastien Samson


Une fois n’est pas coutume, je vais parler d’une BD – ou d’un « roman graphique » comme veut l’expression consacrée pour désigner les bandes dessinées ayant un contenu plus dense (je schématise un peu). Je n'en lis pas énormément, mais il y a vraiment des choses formidables (j’essaierai d'ailleurs de faire un post sur ces bijoux de la BD de temps en temps).

Le Journal d’une bipolaire, ma dernière découverte graphique, porte sur un sujet peu évident : la bipolarité (nouvelle appellation de la maniaco-dépression) de Camille.
Au tout début du livre, la jeune fille revient de vacances au Canada et, entre la pression que lui met son petit ami québécois et les partiels qui arrivent, elle « craque ». La bipolarité – pour résumer, des fluctuations anormales de l’humeur – se déclare souvent autour de la vingtaine, fréquemment à la suite d’un déclencheur : un stress important, un événement traumatisant. En l’occurrence, la maladie n’est pas diagnostiquée de suite : on croit à une déprime, un chagrin d’amour, etc., mais la gravité de la situation s’impose à Camille et à son entourage assez rapidement.

Camille oscille entre fatigue chronique, moments d’euphorie intense, idées noires et tentatives de suicide… Multipliant les expérimentations diverses, tombant dans l’excès (d’alcool, d’aventures d’un soir), elle enchaîne les rechutes plus ou moins graves et fait de fréquents séjours en centres psychiatriques. Les médecins tentent alors de trouver – et de doser – un traitement adéquat qui permettrait à la jeune fille d’être plus sereine et de mener une vie « normale ».
Car c’est aussi de cela qu’il s’agit : Camille arrête évidemment ses études, s’éloigne de ses anciens amis, reste souvent enfermée chez elle, ou en clinique comme dans une bulle (entourée de jeunes malades, isolée du monde réel).
Dès lors, quand elle décroche un CDD de six mois à Eurodisney, c’est un véritable défi qui se pose : mener quelque chose jusqu’au bout, rester six mois sans retourner à l’hôpital, se faire de nouveaux amis en dehors du circuit des cliniques…
Quant à ses parents, divorcés, ils sont très présents, mais également désemparés et parfois épuisés, presque poussés à bout. Il est intéressant de voir leurs réactions, l'incompréhension initiale et l'acceptation progressive de son état par son entourage.

Si cette BD est tellement juste, c’est qu’elle est autobiographique : aidée par son père Patrice Guillon (pour les amateurs de BD, il est connu comme scénariste sous le nom de Pierre Henri), Emilie raconte la bipolarité au quotidien, les débuts de la maladie, ses conséquences pratiques, comment il faut apprendre à vivre avec.
La collaboration père/fille sur un sujet nécessairement douloureux n'a pas dû être un exercice toujours évident mais le résultat est vraiment intéressant.
La postface écrite par un psychiatre vient intelligemment compléter et expliciter de nombreux éléments évoqués dans ce témoignage.

Impossible de finir ce billet sans parler du dessin. Je ne suis pas très calée en la matière : il me suffit que le trait serve avec justesse le propos (et encore). C’est le cas ici puisque Sébastien Samson offre des dessins vifs, efficaces et empreints de jeunesse.

Le Journal d’une bipolaire est une BD touchante, un récit sans complaisance d’une jeunesse contrariée. Emilie Guillon nous ouvre une fenêtre très humaine pour découvrir une pathologie psychiatrique, certes connue de nom, mais rarement incarnée.
Une très belle lecture, utile.


Journal d’une bipolaire, Emilie Guillon/Patrice Guillon/Sébastien Samson (La boîte à bulles, 96 pages, 2010)

jeudi 7 avril 2011

Marina - Carlos Ruiz Zafón


À sa parution, j’ai adoré L’Ombre du vent : Barcelone, des livres, beaucoup de livres, ceux qui en sont amoureux, une jolie idée (le cimetière des livres oubliés), les réminiscences de la guerre d’Espagne, une enquête, des personnages troublants… Tout y était pour me séduire et, même si l’écriture de Zafón est parfois surchargée, elle y est toujours efficace. Un très bon roman, que je conseille d’ailleurs à ceux, bien rares, qui ne l’auraient pas encore lu.

Quant au deuxième roman de Carlos Ruiz Zafón paru en France, Le Jeu de l’ange, malgré de nombreuses critiques négatives – ou plutôt à cause d’elles –, j’ai voulu me faire ma propre impression.
L’histoire de David Martin tourne malheureusement vite en rond : le pseudo-pacte diabolique ne s’assume même pas comme tel, tout est terriblement attendu et le récit semble se déployer indéfiniment sur lui-même. Les petits défauts de L’Ombre du vent sont devenus ici énormes : le style est assez lourd, les intrigues stéréotypées, l’aspect fantastique bancal et l’ensemble bascule franchement dans le mélo.
Et pourtant, Zafón utilise les mêmes ingrédients que dans le précédent (y figure même les ancêtres de certains des personnages comme le libraire Sempere) : des livres, des histoires d’amour contrariées, Barcelone évidemment… Les mêmes ingrédients, mais moins savamment dosés. Résultat, je n’ai fait que survoler de nombreux passages et j’ai fini ma lecture avant tout par curiosité. Très décevant.

J’étais donc plutôt sceptique en ouvrant Marina.
Le schéma initial y est le même : un jeune homme (Oscar, adolescent de quinze ans) entreprend une quête à travers Barcelone. Oscar s'échappe souvent de son pensionnat pour se promener dans cette ville qu’il adore ; lors d'une de ses escapades, il rencontre Marina, une superbe et énigmatique jeune fille, et tous deux se lient rapidement d’amitié.
Marina lui présente son père, German, et lui confie la triste histoire de ce peintre aujourd’hui malade et de sa défunte épouse. Oscar leur rend fréquemment visite et commence à s'attacher au fragile duo que forment le père et la fille.
Un jour, Marina emmène Oscar dans un vieux cimetière observer une femme voilée qui vient régulièrement sur une tombe énigmatique ornée d’un papillon noir.

Dans une atmosphère cette fois véritablement fantastique, les jeunes gens sont entraînés dans une sombre enquête, peuplée de créatures macabres. Ils remontent des décennies auparavant et lèvent le voile peu à peu sur une terrible tragédie, et sur ses conséquences dévastatrices.

Par maints aspects, le roman manque de maturité : trop de pistes et de questionnements ne sont pas repris (l’histoire de Marina et Ramon aurait mérité d’être plus développée), les personnages manquent de nuance, tout comme certaines situations. Une interview de Carlos Ruiz Zafón m’a récemment appris qu’il s’agissait de l’un de ses premiers écrits, conçu originellement pour la jeunesse : on comprend mieux la dynamique de Marina en sachant cela – et on est plus indulgent.

Mais l’écriture est efficace, la construction du roman enlevée, l’univers troublant, et l’intrigue sait susciter la curiosité. C'est pourquoi, malgré mes réticences avec ce type de fantastique (le « fantastique dans le réel », à l’opposé de ce que je qualifierais de fantastique « global », comme celui de Tolkien), Marina a été un très bon moment de lecture.
Du vrai romanesque.


Marina, Carlos Ruiz Zafón (Robert Laffont, 304 pages, 2011)
Traduit de l’espagnol par François Maspero


mardi 5 avril 2011

Losers nés - Elvin Post


Deuxième livre de la sélection du Prix Seuil Policiers (après Les leçons du mal, très bien). Et première réserve : la couverture me déplaît d'emblée, elle laisse imaginer un texte peu sérieux, presque une farce. Probablement le style du dessin, les couleurs… et si on ajoute à cela le titre qui ne m’interpelle en rien, je ne me suis pas lancée avec beaucoup d’envie dans Losers nés.

Avec l’espoir d’échapper à la rue, le jeune Romeo vend des magazines d’occasion non loin de là où, il y a encore quelques mois, il faisait le guetteur pour le compte de Sean Withers. Son frère aîné, Russell, à peine sorti de prison, a essayé un temps de trouver un véritable emploi mais seuls des petits boulots peu gratifiants et payant mal s'offrent à lui. Souhaitant accéder à un certain statut (pense-t-il) et surtout gagner bien plus, il retombe rapidement dans l’orbite de Withers pour qui il récolte les gains auprès des « petites mains » du deal.
Quant à Withers, il s’agit du stéréotype du gros caïd libidineux, avide et sans intérêt – à qui l’argent permet de s’attacher une superbe et jeune copine, de vivre dans une grande maison hyper équipée, et de rouler dans une voiture hors de prix. À ses côtés, Elizondo, le plus ancien de ses employés, fait penser à un vieux chien fidèle, qui suit et sert son maître malgré les maltraitances.

Ajoutons évidemment quelques flics, certains plus consciencieux que d’autres comme Murino ; la mère alcoolique de Romeo et Russell ; le jeune Curtis Perlin, assassiné en prison ; sa mère, éplorée mais digne ; le vieux et charmant bouquiniste Vernon Baxter…
À l’image de ce dernier, quelques personnages sont davantage originaux et savoureux que les autres. Mais sinon, le tout manque terriblement d’intérêt et de piquant. L'auteur, néerlandais, situe son action à New York mais n'incarne pas la ville comme il le pourrait : résultat, un décor de carton-pâte très attendu.

Pour réussir un roman sur ce thème, il faut trouver de quoi renouveler singulièrement le genre : une écriture (pas mauvaise ici mais pas exceptionnelle non plus, juste agréable et efficace), une intrigue inédite (il n’y en a même pas, en fait), ou un rythme haletant (et là, on s’ennuie beaucoup)…
Malheureusement, mes premières impressions n’ont donc pas été démenties. Comme le laissait présager la quatrième de couverture, c’est une énième histoire de flics, de drogue et de dealers – les méchants gros bonnets, les plus jeunes pris dedans par nécessité, ceux prêts à tout pour se faire de l’argent facile et grimper les échelons… Qui plus est, l’absence de véritable énigme me fait m’interroger sur la qualification de « roman policier » : il s’agirait plus d’un roman d’atmosphère. Bref, la lecture de Losers nés ne m’a pas enchantée…

Merci quand même à Babelio et au Seuil. J’attends avec impatience le troisième polar en lice…


Losers nés, Elvin Post (Seuil, 316 pages, 2010)
Traduit du néerlandais par Hubert Galle



Critiques et infos sur Babelio.com

dimanche 3 avril 2011

C'est ici que l'on se quitte - Jonathan Tropper


Un vrai « feel good book » : roman réjouissant, ni bas de gamme ni grande littérature, à l’intrigue mince mais aux personnages hauts en couleurs et aux situations enlevées.
Comme j’avais pu le constater dans Le Livre de Joe, Tout peut arriver et Pertes et fracas, Jonathan Tropper sait indubitablement mener un récit et interpeller son lecteur.

Ici encore, une histoire de famille et un « retour vers le passé » qui fera évoluer le présent.
Le père de Judd Foxman vient de mourir. Il a émis comme dernier souhait que les siens célèbrent la Shiva’h, les sept traditionnels jours de deuil. Pour la première fois depuis des années, tous vont ainsi passer une semaine entière ensemble.
Ambitieux programme ! Surtout que Judd est déjà en pleine déprime, réduit à vivre dans un obscur sous-sol après avoir découvert l’adultère de sa femme dans des circonstances scabreuses… Il retrouve donc sa mère, prétendue experte en éducation au décolleté ravageur ; sa sœur Wendy, coincée entre trois enfants et un mari débordé de travail ; son frère aîné Paul, aigri pour trop de raisons ; le plus jeune, Philip, si beau mais si dispersé.

Règlements de comptes, petites et grosses rancœurs, révélations fracassantes et retrouvailles plus ou moins inattendues… Jonathan Tropper dépeint avec beaucoup d’humour et parfois de finesse les tracas familiaux, amoureux, conjugaux et autres.
C'est ici que l'on se quitte, comme tous ses romans, fait partie des rares livres qui font énormément sourire et même franchement rire. Les situations n’en sont pas moins graves, les enjeux douloureux, mais tout est traité avec ironie et légèreté. Et cela fait oublier les défauts du texte : ses aspects caricaturaux, des événements attendus, une touche de mièvrerie, une écriture basique...

Un roman dont on tourne les pages avec envie, qui fait passer un excellent moment, mais qu’on oubliera vite : C'est ici que l'on se quitte est juste un « livre qui fait du bien » !


C'est ici que l'on se quitte, Jonathan Tropper (Fleuve Noir, 372 pages, 2009 / 10/18,
400 pages, 2011)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Carine Chichereau