vendredi 10 juin 2011

Les Privilèges - Jonathan Dee


Les Privilèges : ou la réussite fulgurante d’un couple parfait de yuppies – comme on les aurait appelés dans les années quatre-vingts. Un mélange du Bûcher des vanités de Tom Wolfe et de Trente et des poussières de Jay McInerney, mais plongé au XXIe siècle, dans l’univers de Gossip girl.

Le récit débute par le mariage d’Adam et Cynthia, à peine sortis de la fac, encore très jeunes, plus séduisants l’un que l’autre et animés par la certitude que l’avenir leur appartient. Leur duo est en parfaite symbiose mais fort heureusement son côté trop idyllique est contrebalancé par les discordances de leurs familles respectives, la banalité des tensions de ce « jour merveilleux », les frictions entre Cynthia et sa demi-sœur, etc.

De retour de leur voyage de noces, les jeunes mariés s’installent à New York, font des enfants aussi beaux qu’eux – April et Jonas – et gravissent les échelons de la bonne société, attirés bien entendu par les plus hauts sommets. Après un léger passage à vide de Cynthia, quelque peu désœuvrée au départ, quand elle n’est pas encore accaparée par les réunions de bienfaisance et autres comités, leur réussite est éclatante. Ils deviennent le parangon de cette nouvelle classe sociale aux niveaux de vie et aux salaires inimaginables : ces ultra-riches qu’a créé notamment le monde de la finance.
Adam y gagne à proprement parler des fortunes et offre une vie dorée à sa famille : appartements de plus en plus grands et luxueux, vacances 5 étoiles sur des îles paradisiaques, écoles privées de luxe, domestiques… Si la cellule familiale n’est peut-être pas parfaite, leur duo, lui, le reste : toujours amoureux après vingt ans, fidèles…
Mais c’est une vie de papier glacé, et l’inconsistance règne : les journées de Cynthia chargées de rendez-vous mondains sont en fait bien creuses, les amitiés sont futiles, les enfants sont terriblement désœuvrés, chacun à leur manière – April est une adolescente totalement superficielle, que la vie ne questionne absolument pas, Jonas est plus intéressant, plus critique, mais cela semble encore être une afféterie de son âge.

La critique des Privilèges n’est jamais clairement formulée : elle est sous-jacente, dans les paradoxes de cette vie de pauvre petite fille riche. Mais ne l’ai-je pas perçue parce que, moi, je trouve tant d’aspects de leur existence tristement vains voire critiquables (la vacuité des uns et des autres, leurs manœuvres…) ? Car Jonathan Dee reste à distance : il observe avec acuité mais à nous de penser ce que l’on veut. C’est d’ailleurs dommage à mon sens : j’aurais aimé quelque chose de plus évidemment mordant.

Avec ce quatrième roman (le premier traduit en français), Jonathan Dee propose à la fois une peinture fine d’une certaine société qu’il nous appartient de déchiffrer par nous-mêmes et, c’est peut-être là ce qui m’a lassé, l’histoire d’un couple de conte de fées (dont les deux composantes sont insupportables d'ailleurs). Une impression un peu mitigée au final, mais je n’en ai pas moins passé un très bon moment à lire Les Privilèges.


Les Privilèges, Jonathan Dee (Plon, 312 pages, 2011)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Elisabeth Peellaert


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