lundi 9 janvier 2012

Syster - Bengt Ohlsson


S’il fallait montrer comment une écriture, un rythme peuvent transcender une thématique somme toute relativement banale, Syster, avec son intrigue jamais résolue, serait un parfait exemple. Miriam, une fillette d’une douzaine d’années, disparaît un jour au retour de l’école. Toute la particularité du roman – sa focale – se lit dès la première phrase : « La sœur de Marjorie disparut un vendredi, début mai. » Ce qu’il a pu advenir de Myriam ne compte pas véritablement au final, c’est le ressenti de sa jeune sœur, Marjorie, dont il est question. Marjorie qui ne semble pas réaliser l’ampleur de l’événement, Marjorie qui est comme soulagée d’être libérée de cette grande sœur si parfaite et aimée de tous, Marjorie qui espère recevoir plus d’attention…

Les parents, bouleversés évidemment, cherchent sans relâche leur aînée. Pour simplifier leur tâche et éloigner la petite de toute cette tension, ils l’envoient chez sa tante Isle, une femme vieillissante et « originale » comme veut l’expression polie. Marjorie est d’abord furieuse d’être ainsi tenue à l’écart, chez cette tante qu’elle connaît à peine, perdue dans cette maison isolée sur la lande. Souvent livrée à elle-même – sa tante entend la laisser tranquille –, Marjorie découvre les paysages avoisinants, la mer si vaste, les livres et les histoires… Et un dialogue quasi muet se noue avec Isle. Marjorie apprend à décoder sa propre réaction, à comprendre qu’avoir été jalouse de Miriam ne fait pas d’elle un monstre, que son soulagement ne signifie pas qu’elle lui souhaite le pire… Que tous les sentiments peuvent se mêler, et ce, quel que soit l’âge.

Pas à pas, Marjorie grandit, se débrouille avec ses contradictions et ses remords. Et Isle la mène sur ce chemin avec délicatesse mais fermeté. À l’image du style de ce roman : limpide, fluide, mais âpre quand il le faut. Bengt Ohlsson parvient avec brio à nous faire imaginer Marjorie, à construire un récit d’enfant qui ne soit pas mièvre. Syster se déroule avec lenteur, mais intensité, et nous enveloppe dans cette atmosphère particulière jusqu’à la dernière page.

Pour autant, Syster fait partie de ces coups de cœur qui, je le sais, ne feront pas l’unanimité : il s'y passe au final peu de choses, l’intensité réside dans les intentions, les atmosphères, les non-dits… Une vraie belle découverte.


Syster, Bengt Ohlsson (Phébus, 304 pages, 2011)
Traduit du suédois par Anne Karila


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